Date de la dernière mise à jour de l'article : 30/06/2022
Malgré les définitions formalisées entre autres par l’ANSES et le Farm Animal Welfare Council, il se trouve que la notion de bien-être est perçue différemment selon les personnes. Dans cette partie, nous allons donc chercher à vous présenter une diversité de perception selon les acteurs.
1) Le bien-être animal (suite)
3) Différentes visions du bien-être animal
1) Selon la loi : la protection animale est un sujet qui évolue
Extrait de : Chardon, H., (2015). Le bien-être et la protection des animaux, de l'élevage à l'abattoir Fondements et mise en œuvre de la réglementation, Cahier Bien-être animal du CIV
« Les débats sur la condition animale existent depuis l’Antiquité. Les penseurs de tous temps ont mis en garde contre les actes de cruauté envers les animaux, non pas par égards pour eux, mais parce que ces actes étaient supposés révéler les bas instincts de l’homme. Toutefois, jusqu’au XIXe siècle, l’animal n’a pas bénéficié de la protection de la loi. En France, le statut de l’animal est actuellement défini dans différents codes:
Code civil
Jusque fin 2014, l’animal est considéré dans le Code civil comme un bien (articles 524 et 528, cf. 2.2). Depuis la Loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures : « Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens » (article 514-14). L’objectif de cette évolution du Code civil est de mieux concilier la qualification juridique de l’animal et sa valeur affective, tout en harmonisant ce code avec le Code rural et de la pêche maritime et le Code pénal (cf. infra). L’animal n’est désormais plus considéré comme un bien meuble. Il reste classé dans la catégorie des biens, mais à une place primordiale qui reconnaît sa sensibilité et le distingue de tous les autres biens. Il existe trois catégories juridiques fondamentales: les choses, les personnes et, dorénavant, les animaux. Les animaux n’ont pas de droits subjectifs mais une sensibilité à laquelle l’Homme doit porter attention leur est reconnue.
Code rural et de la pêche maritime
Depuis la Loi du 10 juillet 1976, l’animal est défini comme un être sensible dans le Code rural et de la pêche maritime. Il est à noter qu’il n’existe aucune définition juridique de ce qu’est un « être sensible ». Ce même code stipule par ailleurs : « Article L 214-3 – Il est interdit d’exercer de mauvais traitements envers les animaux domestiques ainsi qu’envers les animaux sauvages apprivoisés ou tenus en captivité. »
Code pénal
Les mauvais traitements envers les animaux sont punis : « Article 521-1 – Le fait, publiquement ou non, d’exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. » Ce faisant, il reconnaît implicitement et confirme que l’animal est bien un être sensible. En outre, le Livre sixième du Code pénal, intitulé « des contraventions », distingue clairement les contraventions contre les personnes, les biens, la Nation, l’État ou la paix publique et les « autres contraventions », exclusivement consacrées aux atteintes portées à la vie d’un animal. Preuve supplémentaire que, dans le Code pénal, l’animal n’était déjà plus assimilé à un bien (articles R 653-1, R 654-1 et R 655-1). »
Un parti pour les défenseurs des animaux : le Parti Animaliste
Le Parti animaliste a été créé en mars 2016. Formalisant politiquement cette préoccupation pour la cause animale, il s’est présenté à sa première élection à l’occasion des législatives de juin 2017 (1,1 % des voix au premier tour), et a remporté plus de 2% des voix françaises aux élections Européennes de 2019. Aux législatives de 2022, il récolte 1.12% des voix, dans un contexte d'abstention record (53.77%).
Parmi leurs revendications, on trouve l'interdiction de la chasse et celle de l'abattage sans étourdissement, la fin de la production de fourrure et des mutilations, ou encore la fin des spectacles d'animaux et la substitution de l'expérimentation animale (lien)
2) Selon la communauté scientifique : un sujet de controverses
Extrait de : Bien-être animal dans l'enseignement agricole : éléments de réflexion. Les points de vue des chercheurs. (lien)
Le bien-être animal est un thème qui intéresse les chercheurs au travers de disciplines aussi variées que la physiologie, l’éthologie, l’économie, la sociologie ou la philosophie. Si les travaux de recherche visent à clarifier la notion de bien-être animal, il n'en reste pas moins que des controverses scientifiques aussi bien qu'éthiques opposent les chercheurs et témoignent de la difficulté, voire de l'impossibilité de l'objectiver totalement.
[…] Le choix du critère d'évaluation du bien-être animal n'est pas neutre et des désaccords marqués ponctuent les propos tenus dans les colloques et les articles de recherche dont nous citons ici les principaux.
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Les émotions et les sensations sont-elles des critères plus pertinents que les comportements ?
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Peut-on porter un jugement sur des émotions qui, dans la nature, permettent la survie de l'animal, comme la peur ?
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Peut-on définir pour l'animal ce qui doit être son bien-être à long terme, lorsqu'il peut être antagonique d'un bien-être à court terme ?
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Quel contexte de vie de référence choisit-on ? Est-ce le contexte naturel, alors qu'il est lui-même générateur de douleurs et de souffrances ?
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L'animal a-t-il une conscience et laquelle ?
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Quels critères peut-on prendre en compte dans les contextes de production ?
Comment savoir si un animal est heureux ? La chaire bien-être animal présente en vidéo les outils que l'on peut utiliser pour mesurer leur bien-être
Améliorer le bien-être des animaux d'élevage passe par un grand nombre de disciplines de recherche. C'est l'un des objectifs de l'INRAE.
Certains scientifiques (INRAE, CNRS) se posent la question de l'applications de leurs recherches au monde de l'élevage, comme ici en juin 2022 dans la revue Sesame (lien). Selon ces chercheurs, les avancées scientifiques de ces dernières années n'ont pas fait évoluer le bien-être des animaux dans les élevages intensifs.
3) Selon les éleveurs : un enjeu quotidien
Parce que la vision du bien-être des animaux peut varier d’un éleveur à l’autre, nous préférons ici vous présenter des témoignages d’éleveurs qui abordent cette thématique, avec leurs mots, sur le cas particulier de leurs fermes.
Méthode
Chez Etienne, éleveur de vaches laitières (et Youtuber !)
Chez Antoine, éleveur de vaches laitières et Youtuber
Chez Gauthier, éleveur de porcs (publié sur la chaine Youtube de la FNSEA)
Chez Isabelle, éleveuse de volailles dans la Sarthe
Martine Cottin, docteur vétérinaire, responsable de la santé et du bien-être des volailles de Loué label rouge et biologiques
"Les agriculteurs premiers acteurs du bien-être animal", par des étudiants agri
4) Selon les citoyens : une problématique aux enjeux croissants
Le projet ACCEPT [25] a étudié la perception des citoyens français vis-à-vis de l’élevage. Aujourd’hui, le bien-être animal est leur première préoccupation.
Pour les citoyens français, la première attente est un accès au plein air pour tous les animaux, qu’ils assimilent à une condition nécessaire pour le bien-être animal. Dans le cas où les animaux doivent être logés en bâtiment, ils préfèrent ceux qui disposent d’ouverture vers l’extérieur et de lumière naturelle, avec suffisamment d’espace par animal.
Ils préfèrent les élevages de petite taille et traditionnels (sans être toujours capable de définir ce qu’est un élevage de « petite taille » ou « traditionnel »). Ils les associent à des fermes respectant le bien-être animal et produisant des produits de qualité. Ils rejettent globalement « l’élevage industriel », qu’ils associent à des bâtiments fermés, animaux en cage ou attachés, et à l’absence de lumière naturelle.
Ils refusent également que les animaux souffrent : si des opérations douloureuses doivent avoir lieu, elles doivent être parfaitement justifiées, et s’effectuer avec une gestion de la douleur grâce à une anesthésie par exemple.
Un sondage du même type a également été réalisé auprès de lycéens français[26], pour qui le bien-être est également la première préoccupation en lien avec l’élevage. Ils expriment notamment des inquiétudes sur l’élevage des volailles, à cause du mode d’élevage en cage qui est globalement très mal accepté (pas uniquement par les lycéens), des images d’élevages de poulets avec une concentration importante d’individus, et du gavage des canards et des oies. Ils associent l’élevage de porc à un mode de production industriel. Ils pensent que les conditions de bien-être des vaches allaitantes (élevées pour la viande) sont moins bonnes que pour les vaches laitières, car ils ont été marqués par des vidéos tournées en caméra cachée dans des abattoirs. Pour eux, une vache élevée « juste » pour la viande sera moins bien traitée qu’une vache qui doit produire du lait, mais ils semblent oublier (ou ne pas savoir) que les vaches laitières finissent elles aussi leur vie à l’abattoir.
Ces sondages n’ont pas étudié que la perception du bien-être animal. Ils ont également mis en évidence qu’une majorité de citoyens connaît mal voire très mal la façon dont sont élevés les animaux en France aujourd’hui. Ces méconnaissances font partie des raisons qui créent des incertitudes et donc des inquiétudes vis-à-vis de l’élevage.
Méthode
{25] Delanoue, E., Dockès, A. C., Chouteau, A., Roguet, C., & Philibert, A. (2018). Regards croisés entre éleveurs et citoyens français: vision des citoyens sur l’élevage et point de vue des éleveurs sur leur perception par la société. INRA Productions Animales, 31(1), 51-68.
[26] Chouteau, A., Souchet, S., Disenhaus, C., Brunschwig, G. (2018). Place de l’élevage dans l’enseignement : Quelle est la perception de l’élevage par les lycéens ? Résultats d’un sondage. GIS Avenir Elevage
Jusqu'à quand peut-on poursuivre l'élevage de poules en cage ?
Tous les élevages de poules pondeuses ne se ressemblent pas : la concentration des individus, leur alimentation ou leur accès au plein air varient en fonction de leur cahier des charges.
Les différents types d’élevages de pondeuses existants en France
Aujourd’hui en France, il existe plusieurs types de production d’œufs :
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En cage (aussi appelé en batterie)
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Au sol (dans un bâtiment fermé, sans accès à l’extérieur, aussi appelé en volière)
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En plein air (un bâtiment avec un accès à l’extérieur)
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Biologique
Les œufs portent sur leur coquille un code indiquant, entre autre, le mode d’élevage des poules dont ils sont issus. Ce chiffre va de 0 (biologique) à 3 (cages).
Bientôt la fin des œufs produits en cage en supermarché ?
Depuis un certain nombre d’années, certaines associations comme par exemple la SPA, L214 (association abolitionniste, en faveur de la disparition de l’élevage) ou CIWF (association « welfariste », qui milite pour l’amélioration des conditions de vie des animaux d’élevage) mènent des campagnes contre la production d’œufs en cages (entre autres).
En 2008, L214 et la SPA changent de stratégie, et mènent des campagnes visant directement certaines marques de distribution, comme Novotel puis Monoprix. Ces actions ont poussé ces deux marques à s’engager à en plus commercialiser d’œufs élevés en cage dans les années suivantes. Les autres grandes marques de la distribution ont fini par suivre le mouvement, et aujourd’hui la plupart d’entre elles se sont engagées à ne plus vendre d’œufs de poules élevés en cages[28] .
La disparition des élevages de poules pondeuses en cage est en accord avec la demande de la société (dans un sondage réalisé pour le projet ACCEPT, l’accès au plein air de tous les animaux était la première demande des citoyens interrogés)[29]. Par ailleurs, l’accès au plein air facilite « l’expression des comportements naturels » des poules, qui est l’un des piliers du bien-être animal défini plus tôt.
Pour les éleveurs, cela est cependant un coup dur : une première mise aux normes a été imposée en 2012, et ils sont nombreux à n’avoir pas fini d’amortir leurs nouvelles installations (certains sont encore très endettés suite à la mise aux normes de 2012). Par ailleurs, ils ne disposent pas tous des conditions pratiques sur l’élevage permettant la reconversion au plein air par exemple (surface nécessaire, etc.).
Le projet d'abolition de l'élevage en cage sera mis en œuvre progressivement, avec de nouvelles réglementations en 2023 pour un aboutissement en 2027.
La fin des œufs de poule élevées en cage font l'objet d'inquiétude notamment économiques, comme ici sur RTL ou pour l'AFP (cliquez sur la vidéo pour la visionner sur la plateforme Youtube)
Visite d'un élevage de poule en cages aménagées (code 3), qui produit environ
130 000 œufs par jour. Ovocom (lien)
[28]Delanoue, E. (2018). Débats et mobilisations autour de l’élevage: analyse d’une controverse (Doctoral dissertation, Rennes 2)
[29]Site du projet : http://accept.ifip.asso.fr/
IV - La protection et le bien-être des animaux des animaux, un sujet d’intérêt croissant dans la société (suite)
Méthode
La France Agricole consacre un article à la place de l'animal dans la loi française dans son hors série de 2018
Certaines pratiques vétérinaires sont stressantes et inconfortables voir douloureuses, mais nécessaire.
Les médias s'emparent de la question, comme le journal LaCroix en 2017 (lien), ou le blog de Mediapart en 2012 (lien).